«Il y a quelque vertige à imaginer qu'au XVIIIe siècle, un morceau de
corail rouge de Méditerranée, pêché en plein été au large de la
Corse ou de la Sardaigne, ait pu achever sa course sur les contreforts
enneigés de l'Himalaya, dans un atelier de taille cachemiri réservant ses
plus belles pièces aux princes de la cour moghole. Telle est pourtant
la réalité de ces réseaux de négoce à longue distance, qui, dès l'aube
de l'époque moderne, relient la Méditerranée orientale aux comptoirs
de l'Asie portugaise via Lisbonne ou Alep.
L'ouvrage de Francesca Trivellato retrace l'histoire au long cours des
marchands sépharades de Livourne en Toscane qui ont bâti au XVIIIe siècle,
au prix d'alliances toujours précaires et de transactions souvent risquées,
de vastes réseaux de "commerce interculturel" courant de la péninsule
Ibérique au sous-continent indien. "Une histoire globale à échelle
réduite" : il n'est pas sûr que les historiens aient pris, à l'époque de la
parution de l'ouvrage, en 2009, toute la mesure de l'ambition novatrice
de son auteure. Car ce dont il est ici réellement question, c'est d'un
tour de force méthodologique, avec pour visée une réconciliation sans
reniement entre "micro-histoire" et "histoire globale".
En restant au plus près des sources, Francesca Trivellato rend à la
"première mondialisation" ses méandres et ses visages.»
Extrait de la préface de Romain Bertrand