Quels que soient les termes que l'on invoque, quelles que soient les
disciplines que l'on convoque, pour aborder la cruauté, au-delà de toute
violence, on en viendra toujours à la définition d'une jouissance : la
cruauté est une jouissance pour le mal. C'est jouir du mal pour le mal, c'est
voir l'autre souffrir pour le plaisir, ou par plaisir. Mais qu'en est-il de
cette jouissance, pure et absolue, au-delà du plaisir et de la peine,
comment l'analyser, dès lors qu'elle semble s'ériger comme un critère
essentiel pour penser la cruauté ?
J'avancerai deux hypothèses. La première portera sur l'instrumentalisation
politique de la jouissance cruelle. Un investissement politique et juridique
de la cruauté, dont la fonction ne consiste pas à faire mourir, mais
à effacer les fantômes de la mort, à déporter les survivants, pour les tenir
à distance de leurs propres fantômes. La seconde porte quant à elle sur
la violence fondatrice du pouvoir. Une violence qui fonde la souveraineté
du pouvoir, et tout à la fois qui en menace les fondements. Une violence
que l'investissement politique de la cruauté devait occulter ou refouler,
par l'établissement d'un véritable discours de la dénégation.