Pour Darwin, la science adulte est nécessairement athée dès lors et tant qu'elle est la science. Qu'il ait soigneusement évité de proclamer un athéisme personnel ne doit pas dissimuler l'athéité nécessaire du rationalisme moniste qui gouverne son appréhension du monde vivant et la totalité de son oeuvre. Dans ses Carnets, il revendiquait en effet déjà le matérialisme comme voie unique d'exploration causale des processus immanents, c'est-à-dire comme condition fondamentale de toute intelligibilité dans les sciences de la nature, s'étendant naturellement à l'explication de la complexité humaine.
Alors que le christianisme s'arrogeait le privilège exclusif de dire la vérité « sur l'Homme et sur son histoire », c'est la théorie darwinienne qui, à partir de 1871 et à travers un renversement qu'aucune Église ne pourra complètement admettre, s'est donné le droit d'analyser la religion elle-même comme un fait évolutif et un objet parmi d'autres pour une anthropologie désormais installée sur ses bases naturelles.