Le cinéma de David Cronenberg révèle les angoisses, les peurs et les phobies de cette fin du XXe siècle dont il est le contemporain ; Shivers, son premier long métrage, est sorti sur les écrans en 1975, et eXistenZ son dernier film en 1999. Issu du cinéma underground des années soixante, le jeune étudiant de Toronto, écrivain d'avant-garde fasciné autant par le conte fantastique que les découvertes scientifiques et l'innovation technologique, a su devenir un cinéaste de stature internationale dont les films comme La Mouche, Faux semblants, Le Festin nu sont universellement connus. Au prix d'un parcours difficile et combien atypique, il développe une esthétique et une thématique personnelles dans le cinéma qu'on qualifiera de «dominant» ou commercial. Aujourd'hui, les plus gros succès du box-office participent de la science-fiction, de l'horreur ou du fantastique et si Cronenberg a débuté dans le genre le plus méprisé à l'époque [le gore], si, comme il l'avoue, il a pu travailler «sous la protection du genre», il ne se soumettra jamais à la contrainte du spectacle pour public adolescent ou familial, mais au contraire, il fera passer «en contrebande» (selon l'expression de Martin Scorsese) les thèmes et les idées qui l'ont passionné depuis toujours.
Le livre est composé d'entretiens, fruit d'une complicité de plus de dix ans, organisés en neuf chapitres où Cronenberg, tout en rappelant les grandes étapes de sa vie, se prête à une analyse en profondeur de son œuvre, sans oublier de porter sur le cinéma d'aujourd'hui et sur le monde en général, son regard perçant et son jugement toujours original. Il est abondamment illustré de documents (photos, croquis, storyboards, synopsis, maquettes, etc...), souvent inédits, tirés du fonds Cronenberg déposé par le cinéaste à la Cinémathèque de l'Ontario et de ses archives personnelles. On découvre, à cette occasion, la grande cohérence d'un univers très personnel qui s'est décliné d'abord dans la débrouille des premiers films, puis dans le cadre des budgets importants des grands studios hollywoodiens. On constate ainsi qu'à l'image des grands artistes de notre temps, Cronenberg a su «recycler» ses visions les plus personnelles, les renouveler et les épurer à chaque stade pour les rendre à la fois plus lisibles et plus mystérieuses.