De Budapest à Hollywood
Le théâtre hongrois et le cinéma hollywoodien 1930-1943
László Fodor, László Bus-Fekete, Menyhért Lengyel, István Békeffi. Aujourd'hui totalement oubliées, les pièces de ces dramaturges hongrois sont pourtant à la source de certains chefs-d'oeuvre de la comédie hollywoodienne, de The Good Fairy à The Jewel Robbery, en passant par Top Hat. Elles inspirent particulièrement Ernst Lubitsch, qui réalise quatre films à partir de ce répertoire : Trouble in Paradise, Angel, The Shop around the Corner et Heaven Can Wait.
Les années 1920 et 1930 voient en effet l'arrivée en Hongrie d'un nouveau genre théâtral, les « pièces à succès ». Pensées pour un public populaire, elles hésitent entre représentation réaliste et mise en scène des désirs des spectateurs, pour raconter le parcours de personnages volontaires s'efforçant de s'élever au-dessus de leur condition. Elles obtiennent immédiatement un large succès en Hongrie et se diffusent rapidement en Europe. Ce répertoire est ensuite importé à Broadway, avant d'être massivement acheté par les studios hollywoodiens. Leur adaptation à l'écran est le fruit d'un travail minutieux d'interprétation et d'appropriation. Loin de les envisager comme de simples réservoirs de trames ou de contenus narratifs, les adaptateurs s'emparent des spécificités de ces pièces, et notamment de l'ambivalence de leur rapport au réel.
Entre mises en scène, mystifications et prolifération des récits, c'est avant tout la force créatrice de la fiction qui se trouve réaffirmée dans ces comédies hollywoodiennes. Animés d'une vitalité hors du commun, les personnages s'y séduisent par leur capacité à inventer un monde qui se plie à leurs désirs. L'environnement qui se déploie dans ces films assume et thématise son artificialité : instable, en recomposition permanente, il se soumet aux comédies des personnages qui l'habitent. Ceux-ci imposent leurs visions, leurs exigences et leurs envies, et réinventent le monde comme ils se réinventent eux-mêmes.