En 1621 à Oxford, paraît l'Anatomie de la Mélancolie de Robert Burton. Cette encyclopédie du savoir mélancolique marque aussi un tournant dans l'histoire de cette maladie protéiforme. En proposant de faire de la «mélancolie religieuse» un genre à part entière de mélancolie, Burton rend possible l'utilisation polémique du discours médical dans le cadre des controverses relatives aux comportements religieux non conformes. C'est tout le débat relatif à la tolérance et à la persécution qui peut être relu à la lumière de la typologie burtonienne de l'excès (enthousiasme) ou du défaut de zèle (athéisme, désespoir religieux). L'oeuvre de Shaftesbury montre précisément les limites de cette médicalisation et propose de penser l'enthousiasme comme une passion inhérente à la nature humaine. L'approche naturaliste ne sert plus à stigmatiser des comportements religieux déviants, mais à s'interroger sur les conditions d'une pratique non mélancolique de la religion, tout en posant les prémisses d'une histoire naturelle du phénomène religieux (fanatisme et superstition). Plus généralement, la transformation du discours sur la mélancolie a facilité la constitution d'un nouveau discours sur la nature humaine, qu'il s'agisse de poser le problème des rapports de l'âme et du corps, de déterminer le statut et le rôle de l'imagination dans la genèse des dérèglements physiologiques et psychologiques, de définir le rapport de l'homme à la folie, ou encore de penser le lien entre la maladie et la connaissance de soi.