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La question de l’idéologie est l’exemple le plus frappant d’un concept mis à l’épreuve et scindé par le mouvement réel. Marquée par Althusser du sceau d’infamie de ce qui s’oppose à la science, l’idéologie, après mai 1968, s’est au contraire vue chargée de tous les pouvoirs transfigurateurs requis par les limites politiques de la tempête. C’est l’époque où les scribes de la bourgeoisie parlent de « crise de la civilisation », et où la Gauche Prolétarienne lit dans l’Histoire une prétendue étape de « révolutionnarisation idéologique des masses ». Notre intervention véhicule donc un bilan. Il s’agit de prendre appui sur les points forts (la critique de masse du révisionnisme) pour évaluer et rectifier les points faibles (l’adoption d’un point de vue de masse indifférent à l’analyse de classe). Il en résulte que la dialectique classe/masse est le centre de gravité de ce livre. C’est armé de cette dialectique qu’on peut correctement investir et ruiner, sans concéder quoi que ce soit au révisionnisme, les derniers royaumes de l’idéologisme « ultragauche » : Deleuze et son désir, Glucksmann et son goulag. Le déploiement de la dialectique classe/masse engendre à son tour les deux thèses les plus importantes et, au moins dans leur formulation, les plus nouvelles : — l’existence dans toute révolte révolutionnaire des masses, quelle que soit l’époque considérée, d’aspirations égalitaires, anti-propriétaires et anti-étatiques, que nous désignons ici du nom d’« invariants communistes » ; — la reconnaissance du prolétariat comme puissance logique. L’idéologie s’est toujours scindée, et tout reflet est reflet de classe. Le prolétariat est cependant ce qui donne forme à la contradiction, divise la logique elle-même, et soumet irréversiblement la pensée à la reconnaissance de sa propre scission. Le prolétariat n’est pas l’inventeur de la résistance idéologique : il en est le premier logicien.