Ils ont dit Dégage ! Ils l'ont dit haut et fort en dépit de la
répression, des snipers, des prisonniers de droit commun
lâchés dans les rues, de la milice présidentielle et de la
peur, présente depuis plus de vingt ans. Les Tunisiens sont
descendus dans la rue, hommes et femmes, de l'intérieur des
terres comme de la capitale, ouvriers ou bourgeois, pour se
réapproprier, avec courage et dignité, une démocratie perdue.
Dans le refus de la guerre civile et de la violence. Armés de
pancartes, de chants et d'utopie. Bras levés. Parce qu'ils n'en
pouvaient plus et qu'arrive toujours l'instant bouleversant où les
peuples font vaciller les tyrans de ce monde.
Parmi ces hommes et ces femmes venus crier leur colère et
leurs espoirs, des artistes photographes, manifestants comme
les autres, vont immortaliser cet élan sans équivalent dans
l'Histoire. Ils vont saisir la contestation, l'inventivité et l'émotion
de tout un peuple retrouvant la joie féroce du refus. L'offrant
ainsi aux citoyens d'ailleurs comme une promesse de ce qui
reste possible. Du coeur de la foule, ces photographes ont donné
un témoignage unique d'une révolution vue de l'intérieur : ils ont
constitué les premières archives d'un événement à l'origine du
«Printemps arabe» qui, comme une déflagration lente, n'a pas
fini de marquer le XXIe siècle à venir.