La commande officielle reçue par Géricault, venant du ministère de
l'Intérieur et destinée à la cathédrale de Nantes, La Vierge du Sacré-Coeur,
fut effectuée par Delacroix dans le plus grand secret - et installée dans la
cathédrale d'Ajaccio, sous un autre titre, en 1827. Toutefois, son histoire
même allait condamner La Vierge du Sacré-Coeur à rester dans l'ombre.
Il faudra attendre 1930 et l'exposition du centenaire du romantisme pour
retrouver le tableau qui, en 1963, sera à nouveau exposé au Louvre pour
le centenaire de la mort de Delacroix.
Or, le tableau d'Ajaccio est capital pour la compréhension d'une période
charnière dans la carrière de Delacroix. Le traitement pictural est en effet
révélateur des influences subies, non seulement avant son séjour anglais
mais, également, avant sa révélation de la peinture espagnole. Il ne lui
faudra pas même cinq ans pour passer du néoclassicisme au romantisme.
C'est justement ce moment clé dont le tableau d'Ajaccio est témoin : pour
la première fois, Delacroix s'émancipe de l'emprise de Raphaël, annonçant
Dante et Virgile aux Enfers et Les Massacres de Scio.
L'étude de Jean-Marc Idir présente tous les aspects politiques, historiques,
religieux et artistiques de cette commande, et elle indique la place de cette
toile dans la peinture de l'époque en général et dans l'oeuvre du peintre
en particulier.