Le Comité épiscopal France – Amérique latine (CEFAL) a fonctionné pendant plusieurs décennies comme une véritable gare de triage pour envoyer des prêtres français dans les favelas de São Paulo ou sur les plateaux andins, à la demande d’évêques locaux effrayés par l’aura de la révolution cubaine. Le livre raconte comment les évêques de France ont largement improvisé une réponse collective à cet élan soutenu par Rome, en s’appuyant sur une génération de jeunes prêtres qui, une fois sur place, tombent amoureux d’une Amérique latine mythifiée qu’incarnent alors l’« évêque des pauvres » Hélder Câmara, le révolutionnaire Ernesto Guevara ou l’archiprêtre Ivan Illich installé à Cuernavaca, auprès duquel viennent se former des centaines de clercs missionnaires européens et nord-américains. Très rapidement, avec l’instauration des dictatures militaires et l’essor de la théologie de la libération, le CEFAL est sommé de choisir son camp. Les emprisonnements de clercs français se multiplient, accusés d’être des agents du communisme mondial. Tout à la fois instance officielle de l’épiscopat et caisse de résonance des militants tiers-mondistes, le Comité navigue à vue dans un contexte politique et religieux qui s’est radicalisé et il ne peut empêcher l’assassinat de deux des siens, Gabriel Longueville et André Jarlan. Cet ouvrage est une invitation à découvrir une histoire transatlantique jamais écrite, celle d’un moment « Amérique latine » en France qui, à travers un imaginaire et des engagements, a suscité des malentendus mais aussi des amitiés durables. Passeurs entre deux mondes, ces hommes aux trajectoires souvent peu ordinaires se sont brûlés au contact des tensions politiques, sociales et ecclésiales.