Des foules et du populisme
Au regard de l'histoire et des affects
La vie politique a pour essence des conflits d'intérêts et de valeur qui ont une forte charge affective. Les populistes en tirent parti, excitant des polémiques portant sur des enjeux de souveraineté nationale, d'identité collective et de relations aux « étrangers ». Par leur violence verbale, leur déni des règles de civilité et leurs manifestations de rue, ils risquent de saper les digues institutionnelles et les procédures des démocraties. Cet essai a pour originalité de situer l'interprétation du populisme sous l'égide de l'analyse freudienne des foules, de mouvements au sein desquels les individus risquent de perdre leur capacité de raisonnement autonome en se soumettant à l'emprise d'un leader exalté. Il interprète le populisme comme un symptôme de sociétés en perte de repères normatifs, réfractaires aux limites, soumises à des revendications identitaires hétérogènes et portées à l'excitation des désirs et à la libération des pulsions. Pour contrer le populisme, les démocraties doivent aujourd'hui résister au fantasme de fusion communautaire et à l'emprise de chefs idéalisés, illusions en embuscade dans certaines représentations mythiques de la souveraineté nationale. Parce qu'elles encouragent les controverses intellectuelles et poursuivent des valeurs de liberté et de justice sociale, elles restent mieux armées que tout autre régime pour affronter les défis de l'avenir.