Si je réécrivais un peu l'histoire, je tairais les policiers
devenus des vautours, la jeunesse égarée, le gouvernement
appelant les terroristes au cessez-le-feu, les
enfants qui ne jouent plus parce que les rêves les ont
quittés trop vite.
Je passerais sous silence mon grand-père à la tête vide,
l'herbe desséchée par le soleil, les fourmis rouges dévoreuses
de peau, les douches prises à minuit lorsqu'un
peu d'eau coulait enfin du robinet.
Je feindrais le bonheur de vivre désormais dans une ville
étrangère, loin des amis d'enfance et de la lumière enveloppante
d'Alger. J'oublierais les coups de fil incessants
de ma mère qui se désespère de me savoir célibataire
à trente ans.
Resterait la perspective de revenir en Algérie avec l'image
détestable des gens qui quittent leur pays sans remords
pour vivre là-bas.