Que faisons-nous, au juste, lorsque nous parlons d'« esprit », ou que nous attribuons des pensées à d'autres personnes ? Penser, est-ce déjà agir ? Les concepts de pensée, d'intention ou de compréhension font-ils référence à des processus « internes » ? Pour répondre à ces questions, Pierre Stelner développe une conception déontologique
de l'esprit (« dé-ontologique et normative »), en dialogue avec Wittgenstein, les premiers écrits de Richard Rorty et le pragmatisme normatif de Robert Brandom. Il propose en outre une lecture renouvelée de l'expérimentalisme social et politique de John Dewey - dont l'une des conséquences pourrait être d'externaliser l'esprit dans des pratiques scientifiques et des dispositifs techniques.
Contre une définition privée et centralisante de la pensée, ce livre délocalise l'esprit dans des réseaux intriqués de jeux de langage, de formes de vie et de techniques sédimentées. Ce faisant, il confronte le pragmatisme à un certain nombre de thèses analytiques dominantes en philosophie de l'esprit, comme le naturalisme, le représentationnalisme ou l'identification de la pensée à un ensemble de faits intracrâniens. « Désaturer l'esprit », c'est rendre compte de la dimension publique de la cognition, mais aussi de nos croyances et de nos valeurs.