Désir, douleur, pensée
Masochisme originaire et théorie psychanalytique
« Le masochisme érogène, plaisir de l'excitation sexuelle, est à la base des masochismes féminin et moral. Le masochisme féminin ne concerne pas spécifiquement la femme et est connu au travers de fantasmes masculins. Le masochisme moral est révélé par des conduites dictées par la culpabilité inconsciente. Je postule que ces conduites, ou symptômes, sont l'épiphénomène d'une faillite du masochisme érogène primaire intricateur des pulsions décrit par Freud en 1924, et qui fait l'objet de ce livre. » - Marilia Aisenstein
Centrée sur le langage, et donc sur les représentations de mots et les représentations de choses, la psychanalyse freudienne couvre le champ des processus de pensée sans pourtant avoir jamais prétendu en donner une théorie systématique. Cette théorie de la pensée, en permanente élaboration, est envisagée ici à la fois comme désir et « acte de chair » issu de l'unité somatopsychique de l'humain. Impulsions, émotions et affects indiquent, tel un fil rouge, l'implication constante du corps dans la cognition. Puisque le désir exige la mise en attente, en somme la frustration, il est d'essence masochique. À ce titre, il doit être investi par un masochisme qui lui permette d'appréhender l'avenir. Si le penser est le propre de l'homme et lui assure une liberté inaliénable, il exige en contrepartie le renoncement au plaisir immédiat. D'où son lien manifeste avec la douleur et avec le masochisme érogène primaire, que Marilia Aisenstein place au fondement même de toute pensée.
Pourtant, le « masochisme » a d'ordinaire mauvaise presse. Or c'est en réalité grâce à lui que l'humain peut survivre et résister aux conditions les plus tragiques, les plus extrêmes, aux guerres de religions, aux génocides ; c'est lui le « gardien de la vie », quand se déchaîne la barbarie de l'homme, le plus inhumain des animaux.