Les Discours sont présentés ici dans une nouvelle traduction, plus
proche de la langue de Machiavel, et sont accompagnés pour la première
fois en France d'un apparat critique indispensable à la lecture du texte.
Conçus sous la forme d'un commentaire des dix premiers livres de l'Histoire
de Tite-Live, ils représentent l'achèvement de la pensée machiavélienne,
à mi-chemin entre Le Prince (1513), l'Art de la guerre (1519-1521)
et les Histoires florentines (1520-1525). Ils marquent la naissance, au
moment du déclin de la Respublica Christiana et du Sacrum Romanum
Imperium, d'une nouvelle théorie et pratique de la «politique», à l'écart
des idées antiques sur le meilleur gouvernement, des conceptions éthico-juridiques
médiévales, et des modèles humanistes des «miroirs des
princes».
Il est essentiellement question dans les Discours de la sécurité et de la
puissance des États, sur fond de cet état de guerre qui va désormais
constituer la trame de leurs rapports. Apparaît ainsi ce qui jusque-là
n'avait pas encore été pensé, la «politique étrangère», domaine pour la
première fois «problématisé» par Machiavel.
La politique nouvelle se déploie sur le plan d'une historicité radicale
où la vertu, c'est-à-dire la liberté des choix et des décisions, se subordonne
à la fortune, à savoir aux nécessités de l'histoire. Face à cette historicité,
se sont défaites aussi bien la métaphysique chrétienne du salut
que la métaphysique platonicienne des formes idéales et intemporelles.
La pensée de Machiavel ne restera-t-elle pas la limite infranchissable
de toute politique tant que les «relations internationales» seront assujetties
aux lois et aux raisons de la puissance ? Il n'était pas inutile de rendre
cette oeuvre fondatrice pleinement accessible aux lecteurs français, à la
fois dans sa littéralité et dans le détail des allusions historiques dont elle
est tissée.