Droit civil et droit administratif
Outre une doctrine universitaire, il y a une doctrine du Conseil d'État, puisque ses membres commentent leurs propres arrêts et participent à la construction du droit administratif. Mais il n'y a pas de doctrine de la Cour de cassation, car les professeurs sont seuls ou presque à écrire sur le droit civil, plus largement sur le droit privé. Au total, trois doctrines et deux jurisprudences, avec des agencements complexes que le présent ouvrage tente de démêler en mettant au jour d'omniprésentes luttes de pouvoir et d'influence. Entre le Conseil d'État et la Cour de cassation comme le prouve l'actualité, mais aussi entre un Conseil d'État et une doctrine administrativiste « née sur les genoux de la jurisprudence », ou encore entre une même doctrine universitaire et la Cour de cassation qui admet que celle-ci construise le système à partir de ses arrêts, mais sous condition...
Ce sont tous ces thèmes, abordés par les auteurs en usant de la liberté de ton qu'autorise un échange épistolaire, qui leur permettent de relativiser cette idée répandue que droit administratif et droit civil relèveraient de deux cultures distinctes. Au-delà des questions de frontières transparaissent en effet des manières voisines d'aborder et de penser le droit. Elles résultent de l'ambition commune de reléguer aux marges du droit le politique et les sciences sociales en assurant le primat de la technique et l'esprit de système.
Aujourd'hui, cette ambition est cependant remise en cause sous les coups de boutoir d'une révolution des sources du droit : européanisation, mondialisation, fondamentalisation, etc. Serions-nous à la fin d'un cycle qui a vu triompher pendant plus d'un siècle ce que les auteurs nomment le « modèle doctrinal » ? C'est par cette interrogation que se termine leur ouvrage, lequel s'adresse au public le plus vaste : étudiants, universitaires et praticiens du droit, et plus largement tous ceux qui cherchent à comprendre les enjeux sous-jacents des débats juridiques contemporains.