La philosophie de Plotin se situe à la croisée de deux métaphysiques. La première culmine avec l’affirmation de l’identité entre l’être et la pensée : en introduisant les Formes intelligibles dans l’Intellect divin, elle conjugue platonisme et aristotélisme. La seconde inaugure un courant qui marquera durablement l’histoire de la philosophie occidentale, à travers notamment la tradition de la théologie négative. L’ontologie grecque est ainsi menée à son achèvement en même temps qu’elle est débordée par la position d’un au-delà de l’être, l’Un, et ébranlée par l’impensable extinction de l’être que représente la matière. La pensée se trouve aux prises avec deux figures du non- être, qu’il s’agisse de ce non-être par défaut qu’est la matière, ou du non-être par suréminence propre au premier Principe. Ce livre a donc pour objet de montrer qu’il ne s’agit chez Plotin ni d’une forme supérieure d’onto-théologie, ni de la sortie de la métaphysique à laquelle aspire tout un courant de la réflexion contemporaine, mais bien d’une nouvelle et autre métaphysique qui réussit à entrelacer infini et totalité. C’est ce nœud et cette tension entre deux métaphysiques, dont chacune engage une figure différente de l’altérité, que font apparaître des analyses patientes et éclairantes des textes des Ennéades. Cet ouvrage présente donc à la fois une réinterprétation de l’œuvre de Plotin et une réflexion profonde sur des problèmes qui, de Hegel à Heidegger et de Schelling à Levinas et Derrida, continuent encore et toujours d'inquiéter la pensée.