Les textes autobiographiques que Nietzsche écrivit entre
douze et vingt-quatre ans (1856-1869) rassemblés ici constituent
un témoignage unique sur la forge d'une pensée, d'un
style, d'une sensibilité. D'un caractère.
Après des premières pages toutes prisonnières des poncifs de
l'époque se dessine une progressive et implacable émancipation
appuyée sur un minutieux travail de réécriture infini des
événements marquants de la vie en lesquels la mort du père et le
deuil qui la continua ainsi que les années d'apprentissage dans le
rude collège de Pforta occupent une place singulière. S'y dessine
également la naissance d'impérieuses passions - musique,
lecture, écriture, amitiés - dont on sait l'importance décisive
qu'elles prendront dans la vie philosophique de Nietzsche.
Bien avant Ecce Homo, Nietzsche se réapproprie sa vie, lui
donne sens et façonne la statue qui vient. Ces Écrits autobiographiques
sont le véritable laboratoire de l'écriture philosophique
de celui qui proclamera une quinzaine d'années plus tard la
mort de Dieu, que l'homme est le seul créateur de sens et de
valeurs et que «toute grande philosophie [...] est la confession
de son auteur», confession qui n'est point une confidence ou
un aveu mais l'inévitable et nécessaire point de rencontre entre la
Vie et la Pensée.