L'écriture de soi (autobiographie, journaux intimes, autofiction) met toujours en scène
une tension entre deux positions psychiques : attester d'une identité (voilà qui je
suis), témoigner d'une altération (voilà qui je suis empêché d'être). L'enjeu semble la
délimitation de soi, au sens d'un espace intérieur, d'un lieu singulier d'interlocution
interne : entre la sculpture et la marche, la fouille et la déambulation, le récit et son
impossibilité.
Une telle délimitation de soi prend une valeur spécifique lorsque l'auteur témoigne
dans l'écriture d'une expérience psychique d'effraction, d'implosion ou de falsification
de l'être. Il s'agit notamment des expériences traumatiques extrêmes ou des
troubles ayant rendu précaire ou incertaine la construction même de l'espace psychique.
Dans ces différents registres de la survivance, l'écriture de soi prend alors
littéralement fonction d'une écriture des limites : l'effort de (re)construire un lieu pour
soi, suffisamment vivable et vivant. Le croisement de l'écriture et de la clinique est ici
nécessaire, avec des spécialistes de la littérature, des écrivains, des traducteurs et
des psychanalystes.