Notre monde plie sous le poids d'objets consommables
à souhait, caducs à la mesure de
leur `utilité', encombrant l'espace de notre
respiration, jusqu'à ce qu'essoufflés, nous protestions
: «Mais avait-on besoin de tant de choses ?» Il
en est d'autres pourtant, insaisissables, joignant le
«futile à l'agréable», se dérobant à l'emploi avec une
élégance espiègle. Objets inconsommables, débordant
nos certitudes, surgissant au coeur d'une oeuvre
littéraire (Borges, Proust), d'un tableau (Le radeau de
la Méduse de Géricault, La Machine à gazouiller de
Klee), d'un film (Eve de Mankiewicz, Gladiator de
Ridley Scott), ou heurtant le flâneur au détour d'une
rue, d'un musée de la porcelaine, voire d'un portique
ouvrant sur un ancien jardin. Dès lors, l'éloge de ces
objets inconsommables consistera à désigner le territoire
où ils nous livrent un sens nouveau, un plein
étonnement, une `revenue au monde', dessinant les
contours mêmes de la philosophie.