En 1959, Luo Fu compose les premiers vers du long poème surréaliste qui le rendra célèbre, Mort d'une cellule de pierre, sur la petite île de Quemoy où il subit les bombardements de l'armée chinoise. Il y livre ses réflexions sur l'existence et de le destin de l'homme dans le monde moderne à travers un kaléidoscope de symboles et d'images délibérément irrationnelles. En 2000, il écrit une nouvelle page de l'histoire de la poésie sinophone avec les trois mille vers de Bois flotté, d'un hermétisme moins marqué, où il évoque là encore l'errance de l'homme moderne en mêlant des images du passé et du présent, allant des années 1930 à la Révolution culturelle, de la modernisation accélérée de Taïwan à aujourd'hui... C'est le point d'orgue de son parcours de poète, « un résumé de son expérience de l'exil, de ses explorations artistiques et de sa métaphysique ». Florilège de la création de toute une vie, qui a commencé dès les années 1940 et s'est concrétisée avec la parution de Rivière de l'âme en 1957, le présent recueil aborde des thèmes variés : métaphysique, histoire chinoise, quête des racines, nostalgie, voyage en Russie et en Chine, vie à Vancouver... Les « poèmes au titre caché » ou acrostiches montrent son goût pour les recherches formelles. L'attachement à l'esthétique traditionnelle chinoise est évident : « Je suis le poète le plus moderne, mais aussi le plus chinois : le meilleur moyen de continuer la voie classique ou de poursuivre la tradition se fait par l'innovation, qui est mon but ultime », déclare Luo Fu.