En Allemagne, le passé nazi ne passe pas. Sujet
de débats publics intenses, l'angoisse de
l'amnésie impose un «devoir de mémoire» aux
institutions, qui s'exprime, entre autres, par des
politiques de commémorations et d'enseignement
scolaire. Mais que font les gens ordinaires de ce
passé ? À l'heure du nouveau millénaire, compte-t-il
encore pour les jeunes Allemands ou veulent-ils
«passer à autre chose» ?
Inspiré de la sociologie et de l'histoire du quotidien,
ce livre analyse «par le bas» les usages que font
du passé nazi des adolescents âgés de 14 à 18 ans
dans quatre institutions scolaires, de quartiers
bourgeois et populaires, à l'Ouest (Hambourg) et
l'Est (Leipzig) de l'Allemagne.
Combinant observation, entretiens et travail
d'archives, cette enquête rend compte des représentations
et pratiques des élèves selon leur sexe,
leurs trajectoires scolaire, sociale et familiale,
notamment de migration, et selon différents
contextes : en classe, en famille ou dans l'entre-soi
des groupes d'adolescents. S'intéresser aux sens
que les adolescent-e-s donnent au passé nazi dans
leur vie quotidienne permet d'observer avec finesse
la construction progressive de sens politique chez
des profanes à un moment clé de leur existence.
La complexité de ces appropriations de l'histoire
montre l'interdépendance des différentes scènes
sociales qui articulent les représentations ordinaires
du passé. Mais elle pose aussi plus largement, dans
l'Allemagne réunifiée, la question de la place de
l'histoire du nazisme dans la société.