« Écrire une histoire générale de l’art de la fortification depuis l’antiquité jusqu’à nos jours est un des beaux sujets livrés aux recherches des archéologues, et nous ne devons pas désespérer de le voir entreprendre ; mais on doit convenir qu’un pareil sujet exigerait des connaissances très variées, car il faudrait réunir à la science de l’historien la pratique de l’art de l’architecte et de l’ingénieur militaire. Il est difficile de se rendre un compte exact d’un art oublié quand on ignore l’art pratiqué dans le temps présent ; et pour qu’un ouvrage de la nature de celui que nous espérons voir entreprendre fût complet, il faudrait qu’il fût fait par un homme à la fois versé dans l’art moderne de la défense des places, architecte et archéologue. Nous ne sommes point ingénieur militaire, à peine archéologue, ce serait donc une grande présomption de notre part de vouloir donner ce résumé autrement que comme un essai, une étude de l’une des phases de l’art de la fortification, comprise entre l’établissement du pouvoir féodal et l’adoption du système de la fortification régulière opposée à l’artillerie à feu. Peut-être cet essai, en soulevant le voile qui couvre encore une des branches de l’art de l’architecture du Moyen Âge, déterminera-t-il quelques-uns de nos jeunes officiers du génie militaire à se livrer à une étude qui ne pourrait manquer d’avoir un grand intérêt, peut-être même un résultat utile et pratique ; car il y a toujours quelque chose à gagner à connaître les efforts tentés par ceux qui nous ont précédés dans la voie, à suivre la marche du travail de l’homme depuis ses premiers et informes essais jusqu’aux plus remarquables développements de son intelligence et de son génie. Voir comment les autres ont vaincu avant nous les difficultés dont ils étaient entourés, est un moyen d’apprendre à vaincre celles qui se présentent chaque jour ; et dans l’art de la fortification où tout est problème à résoudre, calcul, prévision, où il ne s’agit pas seulement de lutter avec les éléments et la main du temps comme dans les autres branches de l’architecture, mais de se prémunir contre la destruction intelligente et combinée de l’homme, il est bon, nous le croyons, de savoir comment, dans les temps antérieurs, les uns ont appliqué toutes les forces de leur esprit, leur puissance matérielle à détruire, les autres à préserver. »