Wittgenstein n’a jamais dissimulé son antipathie pour la civilisation contemporaine. Mais, à la différence de beaucoup d’autres, il n’a jamais essayé d’en tirer une philosophie. Il est difficile de trouver un philosophe qui l’ait été davantage que lui dans ses relations avec une époque que, de son propre aveu, il n’aimait pas et dans laquelle, en tout cas, il ne se sentait pas chez lui. L’attitude de Wittgenstein à l’égard du monde contemporain a consisté à éviter la perte de temps et d’énergie que représente le pathos de la protestation, de la dénonciation et de la déploration, dans lequel donnent si volontiers les intellectuels d’aujourd’hui, et à s’accommoder avec le maximum de sobriété et d’efficacité des conditions qui lui étaient imposées pour la tâche qu’il estimait avoir à remplir.
Professeur honoraire au Collège de France, Jacques Bouveresse a publié de nombreux ouvrages de philosophie du langage et de la connaissance mais aussi sur des écrivains comme Robert Musil et Karl Kraus. Il est aussi l’un des principaux commentateurs français de Ludwig Wittgenstein.