Les droits de l'homme contre les femmes.
Poursuivant sa grande enquête au cœur de l'exception politique française, Eliane Viennot aborde ici, après L'invention de la loi salique (Ve-XVIe siècle) et Les résistances de la société (XVIIe-XVIIIe siècle), la période cruciale qui va de la Révolution à l'Empire. Par l'étude de nombreux documents d'époque, elle montre que les femmes de ce temps, habitées par des modèles d'héroïnes que l'Ancien Régime n'avait cessé de célébrer, se sont investies dans la " régénération de la patrie " avec un enthousiasme identique à celui des hommes, qu'elles ont revendiqué haut et fort l'exercice des mêmes droits et qu'elles ont bien souvent réussi à convaincre leurs proches. Mais que les hommes au pouvoir, nourris de l'idéal rousseauiste de la " séparation des sphères " autant que d'Histoires de France vidées de toute référence faite aux femmes, n'ont eu de cesse de renforcer le " privilège masculin " – et cela quels que soient les désaccords existant entre eux.
Mettant fin à des pouvoirs féminins séculaires, réservant la citoyenneté et les améliorations du système scolaire aux seuls hommes, ne pensant qu'à conforter leurs positions en légiférant sur le divorce et l'héritage égalitaire, travaillant à un Code civil garant des puissances paternelle et maritale, s'activant à faire taire les contestataires, ils ont jeté les bases d'un ordre masculin qui, sous couvert d'égalité, de liberté et de modernité, perdurera jusqu'à la fin du XXe siècle en essaimant dans une bonne partie du monde.