Le 11 juillet 1920, à 94 ans, disparaissait l'impératrice
Eugénie, dernière souveraine des Français. Dans la
mémoire nationale, cette fière et belle Andalouse n'a
pas la meilleure réputation. On l'a soupçonnée de
frivolité et taxée de frigidité au point que Napoléon III,
son mari séducteur, avait dû chercher satisfaction auprès
d'autres femmes ; on a moqué son autoritarisme
maladroit après qu'elle eut été nommée régente ; surtout,
on l'a accusée d'avoir poussé à la funeste guerre
de 1870.
On oublie ainsi qu'elle a aimé et défendu son pays
d'adoption. Stendhal l'a initiée à l'histoire des Français,
Mérimée lui a appris notre langue, elle s'est passionnée
pour la défense de Flaubert, traîné en justice, et lui
a obtenu la Légion d'honneur. A rebours des clichés
caricaturant une Espagnole confite en dévotion et
incapable de saisir l'esprit de son temps, Jean des Cars
montre une impératrice appliquant les principes de la
doctrine sociale chrétienne : elle crée les Fourneaux économiques,
lointains cousins des Restaurants du coeur,
elle encourage la formation scolaire et professionnelle
des jeunes filles et soutient Pasteur dans sa croisade
hygiéniste.
Après la chute du régime, Eugénie, muette, accablée
par la mort de son fils unique, et respectée, parcourt
pendant quarante années l'Europe avec nostalgie. En
1914, elle est du côté de la France qui souffre.
Jean des Cars dresse le portrait d'une grande dame
d'hier qui, malgré ses erreurs, n'a jamais manqué de
courage.