Depuis le 21 janvier 2006, Evo Morales préside aux destinées de la Bolivie. Il incarne la stabilité politique, la croissance économique, la justice sociale, le recouvrement de la souveraineté nationale, la revanche sur la colonie espagnole et le retour à un âge d'or préhispanique. Dirigeant syndical des planteurs de feuilles de coca, son « processus de changement » se prétend anti-impérialiste, féministe, écologiste, antilibéral, favorable aux nationalisations, garant des droits des « indigènes », défiant à l'endroit des États-Unis, soucieux de récupérer le flanc maritime perdu en 1883 contre le Chili et sourcilleux à l'endroit de l'Église catholique associée à la colonie dans une même détestation.
Mais qui est vraiment Evo Morales ? Le « processus de changement » est-il véritablement anticapitaliste, écologiste, féministe, solidaire des populations originaires, en un mot « de gauche » ? Pour les Boliviens, ces dix dernières années n'ont-elles pas été surtout scandées par le surgissement de l'urbanisation, de la société de consommation, de l'individualisme et de la déchristianisation, et par le déclassement progressif du mode de vie rural et de la cosmovision précolombienne sublimés par le « processus de changement » ?
C'est cette « décennie Evo » que retrace et explique le présent livre, axé sur la figure du président bolivien, mais qui va au-delà de cette icône de la gauche antilibérale internationale afin d'analyser les mutations sociologiques, idéologiques et politiques d'un pays en pleine modernisation.