Le champ psychanalytique apparaît morcelé entre de vigoureux courants doctrinaux, chacun issu de l'oeuvre d'un génie fondateur (Freud, Jung, Klein, Lacan, Ferenezi-Winnicott). La fécondité de ces fondations ne peut s'appréhender dans la simple opposition de la vérité et de l'erreur, c'est-à-dire dans les termes du principe de contradiction. Fondement de la science classique newtonienne, cette conception rationaliste de la connaissance se révèle obsolète devant la révolution conceptuelle qu'a connue la Physique théorique dans le premier tiers du 20e siècle avec la révolution relativiste et l'édification de la théorie quantique. Une autre approche de la connaissance s'y fait jour: elle présuppose l'incommensurabilité dernière du réel à la pensée, ménageant une place constituante à la démarche d'investigation dans la production du savoir.
La structure du champ psychanalytique se montre immédiatement tributaire d'options éthico-philosophiques sous-jacentes à chaque grande fondation. Présent dès leur premier pas, ce noyau de conviction prédoctrinal organise tant l'approche clinique que la mise en place du dispositif de la cure. Ajustements et déploiement des postulats initiaux produisent ensuite, au fil de l'expérience engrangée, l'édifice théorico-clinique caractéristique de chaque courant. La disparité de ces options fondamentales explique l'essentielle inconciliabilité des doctrines, des connaissances et des pratiques qui divisent le champ psychanalytique, au-delà de tentatives circonstancielles de dialogue et de coexistence. Ces options se révèlent ne pas être sans lien d'homologie, et souvent de filiation directe, avec les grandes orientations qui structuraient naguère le champ religieux.
Ce livre présente la première épistémologie de l'histoire et de la structure du champ psychanalytique.