Les sondeurs et la télévision ne sont pas deux acteurs de plus dans
le jeu politique. Ils contribuent à mettre en place un système politico-médiatico-sondagier
dans lequel ils jouent un rôle de premier
plan. Omniprésents, les sondeurs revendiquent officiellement le
monopole de la connaissance scientifique de la «volonté populaire»
et proposent officieusement aux partis politiques les
moyens pour la manipuler. Par ailleurs, la médiatisation de la politique
et notamment des manifestations de rue, et leur accompagnement
par les sondages et les baromètres de notoriété, ont
contribué à redéfinir ce qu'on met aujourd'hui sous l'expression
«faire de la politique».
Pour dire la richesse de ce livre passionnant, il faudrait aussi évoquer les
pages sur les manifestations de rue et la façon dont elles se sont transformées
pour se plier aux règles du nouveau pouvoir journalistique sans lequel
aucun événement ne saurait exister comme tel. Ou encore mentionner l'art
et la manière avec lesquels le sociologue décrit l'ignorance de la réalité du
monde politique, tant il est fermé sur lui-même.
Didier Eribon, Le Nouvel Observateur.