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Dans De l'Allemagne, Heine interprétait Faust, le Faust historique et celui de la
légende, comme un humaniste de «cette Renaissance qui put fleurir et régner en Italie
bien plus facilement qu'en Allemagne». Déjà, dès la première version imprimée de la
légende, le Volksbuch (1587), le magicien était un exemplum imprégné de l'esprit de la
Réforme luthérienne, destiné à montrer les limites de l'individualisme que tout bon
chrétien ne doit pas transgresser : poussé par son orgueil de savant, sa soif de pouvoir,
de richesse et de plaisir, il pactisait avec le diable et apparaissait comme un double de
Simon dit le Mage, le premier des gnostiques. La matière faustienne se répandit dans
toute l'Europe, tandis que le Volksbuch connaissait plusieurs traductions. Christopher
Marlowe, pour composer sa Tragique histoire du docteur Faustus, se fondait à la fois sur
une version française et sur une version anglaise du Volksbuch : son Faustus, personnage
prométhéen, est un «homme de la Renaissance» génial, mais perverti. Lorsqu'il se saisit
du mythe, Goethe en fait le héros d'une tragédie allemande, à première vue éloignée
des idéaux de la Renaissance humaniste. Pourtant, on souligne le fond Renaissance
du Faust de Goethe, dont le protagoniste semble avoir été modelé à l'image de Marsile
Ficin. On reconnaît aussi la dimension rabelaisienne et carnavalesque de la tragédie
goethéenne : très présentes dans le Urfaust, la verve populaire et la «culture du rire»
de la Renaissance contrastent, dans Faust I et Faust II, avec le sublime et le terrifiant.
Il n'empêche, Faust est un contemporain de Cagliostro, de Robespierre et des saint-simoniens
; c'est cet homme du XIXe siècle en costume Renaissance que Nietzsche a
persiflé malgré sa profonde admiration pour Goethe : ne percevant que le personnage
ballotté entre le Bien et le Mal, il a méconnu en Faust le «surhomme Renaissance».
Plus près de nous, André Neher a su tisser un subtil réseau de correspondances entre
Faust et un autre homme de la Renaissance, Rabbi Löw, le Maharal de Prague, à qui
la légende populaire attribue la fabrication du Golem, voyant en eux deux précurseurs
des temps nouveaux en période de crise et de mutation.
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