Fénelon ou l'inquiétude du politique
L'oeuvre de Fénelon témoigne d'une profonde inquiétude du politique. Fénelon s'est constamment intéressé au gouvernement des hommes, il a toujours manifesté un souci de la chose publique. Or il n'a laissé aucune oeuvre théorique sur ce sujet et il s'est refusé à apparaître comme un penseur politique. Car, à ses yeux, le politique est toujours menacé de tragique et seules des valeurs morales et spirituelles qui lui sont supérieures peuvent parvenir à endiguer ses dérives et empêcher sa séduction. Telles sont les orientations de l'analyse de Fénelon et les bases de son programme de réformes pour la France.
Dépendante d'une anthropologie négative, sa réflexion considère la politique comme le révélateur de ce que Pascal a pu appeler « le vilain fond de l'homme ». Cependant, répondre au défi d'une oeuvre pédagogique suppose un engagement optimiste et une foi en la perfectibilité des hommes. Fénelon parie sur l'hypothèse d'un bon gouvernement ou, du moins, sur la mise en lumière des conditions d'un pouvoir juste et pacifique.
Pour autant, le recours à la fiction, nécessaire au précepteur qui entend instruire le prince, trahit un véritable déplacement du problème politique : au fil des textes d'imagination s'invente une solution moins technique que littéraire à l'inquiétude du politique et se dessine un repli des idées sur l'enchantement de l'écriture poétique.