«Cuisiner sa vie», nous dit l'écrivain Jim Harrison, c'est non
seulement se nourrir, mais aussi avoir envie de vivre, donner de la saveur
à nos relations sociales, faire plaisir et se faire plaisir.
Les Gascons, sans en avoir le monopole, sont passés maîtres dans cette
façon de concevoir le repas comme une mise en scène de la vie.
Ils en rajoutent parfois comme ce «Gascon gourmand», dont
Saint-Simon nous dit qu'il avait «fricassé» sa vie : Guillerargues, l'auteur des
célèbres Lettres Portugaises.
C'est lors des festins que se manifeste le plus ostensiblement cette faim de
la vie. Ces festins expriment et racontent des moments, énoncent des
conceptions de la société ; ils sont la trame gourmande de relations
amoureuses ou amicales, explorent les méandres de la parenté, mobilisent
nos fantasmes, déclinent notre identité culturelle. Ils sont le miroir et la
fabrication de ce que nous sommes.
Il se pourrait que l'art du festin soit aussi une façon de s'opposer à
la «culture» individualiste qui est l'un des maux de notre société
moderne. Taulejar, banqueter, serait alors un acte de résistance, un de ces
«contre-feux», chers à notre grand sociologue béarnais, Pierre Bourdieu.
Christian Coulon en donne ici la preuve à travers le récit magnifique
et criant de vérité de neuf festins qui nous emmènent du côté des tauladas
du Périgord ou des banquets républicains du président Fallières, nous
initient aux repas de fin d'année ou aux inventions gastronomiques des
dîners d'anniversaire, nous baladent pour un pique-nique médoquin, ou
vers les Landes du grand poète Bernard Manciet.