Peut-on formaliser le vivant ? Peut-on réduire une plante à une simple formule
mathématique ? Goethe ne l'aurait pas admis. Pour beaucoup encore, cette
question ne se pose même pas tant elle peut sembler provocante et contre-nature.
Dans une perspective à la fois historique et épistémologique, ce livre rend compte
de travaux contemporains qui ont pourtant tous tenté de braver cet interdit.
C'est en grande partie sur ce terrain, hautement problématique, que, dans les premières
décennies du XXe siècle, on voit naître puis s'épanouir la pratique des
modèles mathématiques appliquée aux sciences végétales. On voit en particulier
que ces pratiques nouvelles de modélisation entrent en concurrence avec une
tradition ancienne de théorisation mathématique des formes du vivant. C'est
même devant les limites des essais théoriques récurrents que le tournant formel
des modèles se confirme et permet des avancées incontestables. À l'heure où
toutes les sciences à objets complexes parlent beaucoup de modèles et moins
de théories, est-ce le signe d'une victoire de la «modélisation» au détriment
de la «théorie» ? Cette victoire est-elle définitive ? Cela a-t-il toujours
un sens de les opposer ? Et qu'en est-il des «lois» ?
En proposant une analyse des travaux mais aussi des positions épistémologiques
de certains scientifiques impliqués, en explicitant le sens de ce qui les rapproche,
de ce qui les distingue ou les oppose, cet ouvrage montre que l'émergence,
l'expansion puis la diversification des pratiques de modélisation formelle du
vivant ont contribué, sur le terrain scientifique lui-même, à bousculer les
rapports épistémologiques traditionnels entre théories, lois et modèles tels qu'ils
nous ont été légués par la physique.