Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781) est un écrivain allemand des
Lumières, contemporain de Kant. Dans ce livre (1774-1477), il utilise
le subterfuge d'exposer ses opinions personnelles sous couvert de
celles, particulièrement subversives pour l'orthodoxie religieuse,
d'un théologien luthérien dont la carrière avait été d'une trentaine
d'années antérieure à la sienne : Hermann Samuel Reimarus (1694-1768
; 1744).
Dans leur démarche commune, l'idée d'un christianisme
raisonnable, sous forme d'une religion naturelle, d'une religion
rationnelle pratique, distincte du christianisme apostolique,
l'idée d'un déisme sans la divinité du Christ (arianisme), ouvre ici
désormais la porte à une libre pensée oeuvrant pour un humanisme
de la tolérance, respectant «la langue et le livre de la nature».
Jésus a échoué dans son projet d'être reconnu comme le Roi
des juifs. Ses disciples ont détourné son corps après son supplice.
Le miracle de la Pentecôte est une fable inventée trente ans après
par la plume de Luc. L'examen sérieux des quatre évangélistes
montre des contradictions intenables. Jésus n'a jamais baptisé
lui-même ni demandé qu'on baptise. Une partie des juifs croyait
déjà à la résurrection des morts, à la double venue d'un Messie, et à
l'installation par lui d'un règne visible. Une révélation universelle à
partir d'un seul petit pays était chose d'emblée impossible. Il n'y a ni
péché originel, ni prédestination ni enfer. Pas de chute à racheter par
on ne sait quel sacrifice divin. Il n'y a de foi que du catéchisme ou du
charbonnier. La trinité est une construction savante postérieure qui
n'existe pas dans l'Évangile. Les miracles ont été imaginés par les
écrivains. La Traversée de la Mer Rouge est un mythe à impossible à
encadrer dans les faits. Les prophéties sont des allégories tirées par les
cheveux. Les martyres ne sont pas davantage une preuve de vérité.
Une telle «modération» dans l'approche du fait religieux serait
une assez bonne leçon pour le temps présent.
Marc Géraud et Émile Jalley