Au mitan des années 60 du XXe siècle, un homme suscite l'effroi tout autant Que l'admiration à la Martinique et surtout à Foyal, nom affectueux de sa capitale, Fort-de-France. Il s'agit d'un terrifiant sorcier qui se pare du titre de Grand Maître de l'invisible. Son patronyme, Flavius Flomant, est ignoré de tous, non qu'il ait cherché à le dissimuler mais parce qu'il s'est effacé devant le sobriquet de Grand-Z'Ongle. Il peut, sur commande, déchirer un couple, ruiner un commerce, rendre fou ou faire tomber dans la déchéance celui qui lui a été désigné. Mais son plus grand fait d'armes est qu'il est aussi capable de tuer à distance. Lui-même s'est reconnu plus de quatre cents victimes.
Dans une Martinique déboussolée par l'effondrement de la société de plantation, vieille de trois siècles, la fermeture des distilleries fabriquant du rhum et celle des usines sucrières, l'un des deux recours est la fréquentation assidue des quimboiseurs, sorciers, séanciers et autres guérisseurs. L'autre est l'émigration vers la France par le biais d'un organisme d'État, le BUMIDOM (Bureau des Migrations d'Outre-Mer). Autant dire que Grand-Z'Ongle règne en maître sur les esprits, amassant une fortune conséquente depuis son « cabinet » des Terres-Sainville, quartier plébéien de Fort-de-France.
C'est son histoire que nous raconte Raphaël Confiant dans ce genre littéraire que ce dernier nomme « l'autobiographie imaginée ». Il s'agit de se glisser dans la peau du personnage, d'habiter sa personnalité tout en veillant scrupuleusement à ne jamais trahir les faits avérés puisque « imaginée » n'est aucunement « imaginaire ».