« Hawaï » est un nom de lieu qui résonne dans l'imaginaire collectif, jusqu'à être incorporé dans notre carte mentale du monde. Ce toponyme suscite des images qui renvoient à la figure de l'île tropicale, « lieu de bonne qualité » (un des sens de l'utopie) capable d'éveiller le désir touristique. Mais sous l'apparente évidence se trame un imaginaire géographique qui a été construit. L'objet « île tropicale » ne constitue pas une réalité homogène et Hawaï incarne une « apogée touristique », un lieu travaillé par le tourisme « des grands nombres ». Cet ouvrage vise donc à déconstruire l'idée communément admise d'une « vocation touristique » de l'espace, en mettant au jour le processus selon lequel Hawaï s'est différencié d'autres lieux du monde, à travers une dynamique de mise en tourisme qui est aussi informée par des réalités pré-touristiques. Cet ouvrage cherche alors à nouer des temporalités trop souvent séparées, à la fois celle du temps long et celle du temps court. Au-delà du fantasme de l'état de nature associé à l'île tropicale, mythe qui se construit aussi à travers certaines figures sociales comme la « hula girl » ou le « beachboy » à Hawaï, la dimension urbaine a joué et joue à plein régime dans la fabrique de l'archipel par le tourisme. Waikiki, en devenant le haut lieu touristique d'Hawaï, incarne cette urbanité qui se donne à voir ici à travers l'accumulation et la diversité des objets, qu'ils soient humains ou non. La durabilité du lieu touristique mérite l'étonnement, et cet ouvrage va à rebours de l'idée selon laquelle l'urbanisation conduirait au déclin du tourisme. Les pratiques d'individus plus ou moins bien dotés en capitaux divers (économique, symbolique, etc.) créent en fait les conditions pour que ce lieu réponde à des attentes qui connaissent une longue carrière depuis l'invention du tourisme : la découverte et la sociabilité. Cela dit, sur le temps long, la touristicité d'Hawaï en général et de Waikiki en particulier doit aussi beaucoup aux touristes qui ont actualisé certaines pratiques ou « inventé » de nouvelles valeurs et normes, comme c'est le cas du surf et du bronzage qui ont circulé à travers certains réseaux de la mondialisation.