Ce livre est une tentative de donner sens à toutes les scènes de lecture qui jalonnent le récit des Confessions et qui forment comme l'inévitable parallèle à la ligne de vie du récit autobiographique. Pourquoi ce premier grand récit autobiographique accorde-t-il une telle importance à la lecture ? Quel est l'impact spécifique du livre sur l'âme du lecteur ? Comment la lecture entre-t-elle dans la construction ou dans la reconstruction de l'identité du sujet qui narre son histoire ? En quelle mesure la profondeur de cet impact ne bouleverse-t-il pas profondément les pratiques de soi et les exercices spirituels puisqu'il constitue un renversement évident de la condamnation platonicienne de la lecture dans le Phèdre ?
En s'appuyant sur la très abondante littérature secondaire de type historique, cette étude s'essaye à développer une vision cohérente et structurale des concepts fondateurs de l'anthropologie augustinienne et plus largement de l'anthropologie chrétienne. Elle s'appuie sur l'analyse de thèses récurrentes dans les Confessions et qui s'appellent mutuellement : 1) l'idée de la transmission du péché et de la culpabilité inaugurale de tout homme depuis Adam, 2) le rôle de la volonté dans la faute originelle, 3) les conséquences de cette faute pour l'homme dans la création d'un univers de labeur, 4) l'assimilation de ce labeur à un travail de la volonté sur elle-même 5) le rôle de la lecture dans ce travail du vouloir et enfin 6) la place du plaisir de lire dans cet univers de labeur contraint et de travail sur soi pour se défaire d'une culpabilité originelle.
Cette étude vise à « raréfier » certaines notions comme celle de travail intellectuel, de plaisir littéraire, de travail sur soi, etc. c'est-à-dire à en déconstruire l'évidence pour nous par une généalogie qui en montre les conditions d'apparition et qui permet ainsi de souligner leur étrangeté à l'univers de pensée des Grecs.