Ce livre est la suite chronologique du tome I consacré à l'époque qui court de
Gutenberg au XVIIe siècle. L'ensemble est conçu pour proposer une vision générale
et relativement complète de ce qu'il faut au moins savoir sur le sujet, en fonction de
ce que nous pouvons en dire aujourd'hui. Viennent également des informations complémentaires
que j'appelle des «pauses». En général, ces informations sont mises en
annexes en fin d'ouvrage, et, dans une organisation traditionnelle du livre, ou bien le
lecteur les lit trop tard, ou bien il ne les lit jamais. Je les ai donc placées là où il m'a semblé
préférable de les faire figurer en fonction du sujet des chapitres abordés, soit pour
les introduire, soit pour les compléter. Je suis convaincu, en effet, que pour se faire un
bon bagage sur l'histoire de la typographie (et du monde du livre d'une façon plus
générale), il n'est pas inutile de connaître, en plus, certains sujets connexes de façon à
les incorporer dans une réflexion globale.
Depuis son invention, au XVe siècle, le tracé des lettres typographiques s'est toujours inspiré
de celui des lettres calligraphiées alors en usage. À l'époque des prototypographes,
il s'agissait de concevoir des caractères imitant au plus près les écritures gothiques, car
le livre imprimé n'avait comme raison d'être que de reproduire industriellement le
livre manuscrit, voire d'en faire des fac-similés. Avec le temps, le tracé des lettres
typographiques évolue forcément, et à leur tour les calligraphes s'inspirent de ces
formes nouvelles. Dans le courant du XVIe siècle, la typographie romaine prend le pas
sur la typographie gothique. Au siècle suivant certains maîtres d'écriture, calligraphes
renommés comme Louis Senault, Jean-Baptiste Alais de Beaulieu fils et Nicolas Jarry,
s'inspirent du tracé des Garaldes, mais ils le modifient quelque peu en y apportant des
caractéristiques pertinentes (en particulier dans la lettre gravée sur cuivre) que le
Romain du roi (caractère créé dans la dernière décennie du XVIIe siècle pour l'Imprimerie
royale, et prototype des caractères de la famille des Réales) va reprendre à son
compte, comme l'axe vertical (et non plus incliné) de la répartition des graisses des
caractères, comme le contraste de plus en plus affirmé de l'épaisseur des pleins et les
déliés, ainsi que la géométrisation des formes.
L'écriture typographique du XVIIIe siècle se caractérise par ces nouveaux caractères, par
une constellation d'ornements modulables et autres vignettes à combinaisons, par des
formats d'imprimés et des configurations de titres et de textes entièrement différents
de tout ce qui avait précédé, certaines préfigurant les éditions de bibliophilie du début
du XIXe siècle.