Un traumatisme crânien, une blessure à la tête, une artère cérébrale
obstruée : le sujet de la parole est soudain devenu un patient aphasique,
un homme qui ne parle plus, ou moins bien, ou différemment ;
ou bien un homme qui entend ce qu'on lui dit et cependant reste
sourd au sens de ce qu'il entend. Cette situation singulière, comme
ses causes, constitue alors l'objet d'une enquête pluridisciplinaire
(neurosciences, psychologie, linguistique).
En une synthèse inédite, ce livre retrace l'histoire de l'appréhension
de ces troubles : depuis le moment où la question joue un rôle crucial
dans la constitution d'une connaissance renouvelée du cerveau humain
(Gall, Broca, Wernicke), jusqu'à l'actualité de l'investigation cognitive.
Il reconstruit un domaine qui a fasciné les philosophes (Bergson,
Cassirer, Merleau-Ponty) parce qu'il invite à réfléchir à des questions
fondamentales - langage et pensée, normal et pathologique, réceptivité
et spontanéité -, à partir d'un champ empirique qui instruit les
réponses et permet d'éprouver leur force et leur faiblesse. On se
demandera, en particulier : comment concevoir le rapport entre celui
qui parle et ce qui lui permet de parler ? Qu'est-ce qu'une incapacité
acquise peut nous apprendre sur l'aptitude correspondante ?
Comment penser l'esprit, si tel est l'effet de l'affection du corps ?
Quelle que soit la difficulté de leur déchiffrement, les aphasies offrent
l'occasion d'une analyse de notre capacité à dire quelque chose,
une occasion de définir une «anatomie» de l'expression.