La notion d'intersectionnalité alimente aujourd'hui l'une des grandes paniques morales dont notre époque est coutumière : à en croire ses détracteurs, sa focalisation sur l'identité ferait d'elle un danger. Rien n'est plus faux, comme le montre ce livre synthétique et vivant, riche d'une variété d'exemples, qui propose une introduction accessible à l'histoire et aux usages du concept.
Instrument d'analyse des situations de tort, l'approche intersectionnelle a d'abord pour ambition de développer une perception fine de la pluralité et de l'imbrication des oppressions. Mais c'est en même temps une praxis critique, se donnant la justice sociale pour horizon : quelle que soit l'échelle à laquelle elle se place, elle vise à transformer le monde. En ce sens, elle est partie prenante des luttes sociales actuelles et passées, et l'héritière des féministes noires et chicanas qui, dans les années 1960, cherchaient à dépasser les points aveugles du féminisme comme de l'antiracisme. Si l'intersectionnalité s'attache aux identités, individuelles et collectives, ce n'est ni par séparatisme, ni pour conforter quelque posture victimaire, mais, à l'inverse, pour oeuvrer à l'émancipation de toutes et tous.