Trois amis regardent couler la Loire depuis le pont de Nevers. Ils vont avoir cinquante ans. Ce qu'ils voient depuis le tablier : les grandes veines de courant, l'eau fendue par l'étrave des piles, les marmites tournant sur elles-mêmes, les bancs de sable, les îlots et les troncs flottés. Avant le soir, la songerie des trois camarades prend la forme d'une boutade, c'est-à-dire d'un serment : descendre la Loire à la rame, sur une barque, idée potache qui les conduira à l'océan. Dans un esquif de quatre mètres carrés, le récit nous emporte sur un parcours long de huit cent cinquante kilomètres.
C'est tout sauf un journal de bord ; pas de récit événementiel, une équipée sans hauts faits, rien qui ne concerne les inévitables anicroches propres à ce genre de relations, pas d'appesantissement sur la richesse patrimoniale des régions traversées bref, une chronique antisportive, anticulturelle, une narration dans le désordre.
Fourmillante d'images, cette échappée littéraire s'attache à restituer ce qu'est la perception d'un fleuve parcouru du dedans, à hauteur de paupières. Michel Jullien s'approche au plus près d'une acuité sensuelle et traduit chaque impression physique, auditive et visuelle d'une morne récréation fluviale.