Ce livre est un voyage à travers l’ivresse et l’ivrognerie dans la France d’Ancien Régime : tous ceux que Diderot appelle avec humour les « inspirés de la gourde » sont présents. C’est aussi une innovation : c’est le premier livre à proposer une analyse historique rigoureuse et systématique de ce phénomène culturel. C’est une oeuvre d’histoire culturelle au sens large. Elle a une vocation d’histoire totale puisque les points de vue politiques, religieux, judiciaires, économiques, sociaux et culturels y sont analysés tant à l’échelle du royaume qu’à l’échelle locale. Cette analyse historique de l’ivresse et de l’ivrognerie met en évidence que les oppositions religieuse, politique, morale, économique et médicale qui se développent en France du XVIe au XVIIIe siècle ne parviennent pas à lutter efficacement contre l’ivresse dans le pays. Une « culture de l’enivrement » imbibe fortement l’ensemble du corps social, de la tête aux membres, des élites au peuple. Les oppositions s’avèrent pragmatiques et marquées par le compromis. L’opposition religieuse et politique directe n’est qu’illusoire et l’émergence d’une opposition morale, économique et médicale ne permet pas de résoudre davantage le problème. Une réflexion de Jean-Jacques Rousseau résume bien le positionnement adopté face à l’enivrement : « ne cherchons point la chimère de la perfection mais le mieux possible ».