«Il doit être minuit parce que les bruits,
ceux du jardin, ceux de la maison et ceux
de ma femme qui a fait partir les chiens
en les fouettant légèrement avec une
branche
- Fichez-moi le camp
Elle a attaché la chienne en chaleur dans
le garage et je parie qu'elle s'est couchée
parce que pas de lumière dans le couloir
ni dans la chambre dans laquelle je ne
pénètre plus depuis des siècles, je reste ici
très loin d'elle avec tout ce silence et cette
obscurité entre nous, pas de froissement de
draps ni une latte du lit quand elle change
de position, les lampadaires d'Évora de
l'autre côté de la maison, par cette fenêtre
des bruyères, même mon reflet a disparu
sur les vitres»
«Qui parle, tout au long des immenses
coulées qui forment les fleuves de l'oeuvre
d'António Lobo Antunes ? Et à qui ? Peu
importe après tout : ces voix se mêlent,
leurs monologues intérieurs se croisent
sans rompre la solitude où chacune ressasse
ses obsessions. C'est toujours le même
livre, et pour qui est sensible à cette écriture
en incises, à ce trouble, à ce vertige verbal,
c'est un bonheur toujours renouvelé.»
(Isabelle Rüf, Le Temps)