Longtemps oubliée, la philosophie de la vie de Jean-Marie Guyau (1854-1888) fait à nouveau l'objet d'études et de discussions - notamment pour son influence sur des auteurs comme Proust ou Bergson, mais plus encore pour l'originalité et la portée prophétique de sa réflexion. Avant Nietzsche, qui fut d'ailleurs son lecteur, Guyau annonce la fin des grands systèmes, le crépuscule du devoir, l'avènement d'une éthique sans obligation ni sanction ; il appelle de ses vœux un polythéisme des valeurs, et insiste sur les aspects vitaux et créatifs de l'action morale ; il voit dans l'expérience esthétique une stimulation de la vie et (comme le diront certains théoriciens post-modernes) un puissant facteur de cohésion sociale. Le présent ouvrage développe entre autres ces thèmes restés actuels, et s'arrête en particulier sur le rôle paradigmatique assigné à l'art dans la recherche de nouveaux modèles éthico-sociaux. Dans le même temps, il s'attache à replacer l'originalité de Guyau dans son contexte historique et philosophique, en proposant un éclairage précis et informé sur la période située à cheval entre positivisme et intuititionnisme ; une période qui, à son tour, finit par apparaître étonnamment proche de l'horizon formé par nos propres questions.