Ce nouveau livre de Silvia Baron Supervielle est à la fois un prolongement de
son dernier ouvrage et un départ vers d'autres territoires.
Le passage d'une langue à une autre, l'Argentine, la figure maternelle et
la religion sont quelques-uns des thèmes creusés et approfondis par l'auteur
de livre en livre. Mais ici, la poétesse et essayiste s'astreint à une contrainte
formelle très forte, celle du journal, et surtout elle s'oblige à exclure de son
champ d'écriture tout ce qui relève du passé.
Cette contrainte de l'écriture au présent est bien plus qu'un jeu intellectuel
ou un exercice de style, car elle pousse Silvia Baron Supervielle à s'interroger
sur le rôle que joue le passé dans notre quotidien - donc dans notre présent
- et dans toutes nos constructions mentales. Bannir le passé de toutes
ses réflexions, observations et émotions permet à l'auteur d'avancer dans
une sorte d'urgence du «maintenant» qui produit de très beaux moments
d'écriture.
Son travail littéraire, ses traductions, ses lectures de Gracq, Barthes,
Borges (entre autres), ses voyages en Bretagne ou encore ses promenades
dans Paris forment la grille de ce présent que l'auteur s'impose. La nature de
Dieu, la volonté de se perdre pour vivre autrement et les blessures de
l'amour sont d'autres questions abordées dans un texte souvent méditatif,
toujours cohérent, sensible et émouvant.
Journal d'une saison sans mémoire est un texte riche et dense, d'une
grande poésie. Silvia Baron Supervielle poursuit ici son oeuvre avec beaucoup
de bonheur.