Les campagnes contiennent en leurs lumières pauvres des
mots plus doux qu'une caresse. Aussi des hurlements de
détresse adressés à personne. Reviendra-t-il cette nuit hurler
sous ma fenêtre, l'homme jaloux et ravagé d'imaginer sa
femme écartée sous un autre. Les campagnes contiennent en
leurs lumières pauvres des enfants nus qui bégayent devant
un père qui passe, d'une pièce à l'autre, en guettant une proie
sur laquelle fondre en larmes. Les campagnes contiennent
des mains cassées aux doigts perdus dans les copeaux. Des
jambes floues. Des outils posés contre les murs du nord.
Des tiroirs trop grands et qui coincent, dans lesquels des
espérances sèchent sans bruit. Parfois un craquement fait
sursauter le chat que l'on calme d'une main douce. Les
campagnes nous contiennent, à la vie, à la mort. Le ciel
aura beau faire pour nous sortir de là avec ses fantaisies
colorées, ses lumineuses trouvailles. Ses portes secrètes au
couchant. Rien n'y fera. Nous resterons en nos murs emmiellés
de crépuscule et, fermant la porte derrière nous à l'infini,
nous donnerons notre coeur à ceux qui demeurent là.
À l'intérieur de l'antre noir.