« Il est six heures du matin et, sans le savoir, l'érudit vient de trouver les mots justes. Il a donné le ton. Cela s'appelle l'« envoi », la bénédiction traditionnelle de ceux qui partent. La nôtre prend de plein fouet cette brusquerie sacrée : aucune place pour les attendrissements du départ. Nous quittons Vézelay sous le signe du sang et de la colère - un privilège si l'on songe à ces arrachements au ralenti, à ces départs qui n'en finissent pas de commencer. Ici tout va vite et mal. Que demander de plus, lorsque l'on va, justement, au diable ? Dans le Finistère espagnol, une impossible fin des terres, un « champ de l'Étoile », affirment les ouvrages historiques - l'impalpable des corps célestes, étoiles ou arcs-en-ciel, après lesquels nous courons sans jamais les rattraper : l'idée d'aller si loin à pied est aussi sublime qu'irréelle. Comment lui donner chair ?
En marchant. »
Édith de la Héronnière, La Ballade des pèlerins, 1993