Pour les élites de la province, le droit de bourgeoisie amplifiait l'attraction
démographique de Lyon, très grande ville d'Ancien Régime. Et, si le
déficit chronique qu'engendraient la sous-natalité et la surmortalité
rendait partout nécessaire l'afflux de migrants pour nourrir la
croissance, à Lyon comme dans toutes les grandes villes une crise
économique pouvait rejeter une partie des migrants aussi vite que la
prospérité les avait alors attirés. Pour la masse des arrivants, l'accès à
la bourgeoisie était question de chance et de temps. Retracer l'histoire
des bourgeois de Lyon c'est étudier un statut riche d'avantages fiscaux
et commercialement intéressants dans une ville dont l'environnement
était largement voué à la production viticole. On distinguait les
bourgeois natifs et les bourgeois adoptifs, ou inscrits, plus rarement
dits «étrangers» ou encore «bourgeois par nommée», du nom de
l'acte d'inscription sur les registres de la municipalité. Et les adoptifs
se fondaient dans la bourgeoisie lyonnaise dès qu'ils avaient résidé et
servi durant le temps requis, alors que les enfants de bourgeois nés
hors de la ville ne se voyaient pas transmettre le titre paternel.
Lyon fournit un excellent observatoire du mode de fonctionnement de
l'État absolutiste face aux innombrables conflits liés à l'exercice du droit
de bourgeoisie. Il en résulta une jurisprudence extrêmement fournie.
L'étude de la bourgeoisie dite statutaire avait été ignorée, ou traitée
laconiquement jusqu'à ce jour. Ce livre s'imposait à plus d'un titre,
ne fût-ce que pour combler une lacune évidente de l'historiographie
française.