La Chartreuse du Liget est un des rares
monastères bâtis en Europe au XIIe siècle. Sa
construction suit de peu la rédaction des
règles de l'ordre par le prieur Guigues, en
1125. Les Chartreux proposent une voie
nouvelle dans la recherche du salut : un
compromis entre la vie d'ermite et la vie en
communauté loin du monde, deux modèles
pensés 800 ans plus tôt. L'architecture des
lieux s'adapte à l'organisation de leur vie.
Pendant plusieurs siècles, la Chartreuse du
Liget va rayonner depuis la Touraine où elle
est la seule manifestation de l'Ordre. Les
moines y prient pour le salut des rois ; les
puissants offrent fortune et protection, les
humbles, jusqu'à leur vie.
La Révolution arrête brutalement la vie
religieuse à la Chartreuse du Liget.
«Rien de plus beau et d'un effet plus
agréable que ce préau à peine terminé
lorsque la Révolution est venue. On n'avait
pas achevé de le paver quand cette
Chartreuse a été vendue [...] Il ne restera
plus une pierre de ce superbe portique bâti
dans le genre de celui du Palais Royal, plus
petit à la vérité, mais supérieur pour la
correction et la pureté des formes, et l'effet de
la teinte de ses pierres, dont le blanc de lait
ressort sur le grand carré de gazon qu'il
renferme.» En 1809, lorsqu'il visite la
Chartreuse du Liget, Alexis Monteil pressent
le destin funeste de l'édifice. Perle de pierre
dans son écrin de verdure, le monastère est
livré à l'avidité des carriers. La destruction suit
son cours jusqu'à l'acquisition du domaine par
les Marsay au milieu du XIXe siècle.