Quelles sont les raisons profondes de l'incapacité
de la gauche européenne à proposer
une alternative crédible à l'ultralibéralisme ? Pourquoi
semble-t-elle condamnée à «accompagner»
sur le mode compassionnel la dégradation des
conditions de vie et de travail engendrées par la
globalisation ? Ou bien à chercher refuge dans des
postures pseudo-révolutionnaires oublieuses de la
faillite du communisme réel ? Ces interrogations
sont au coeur de La Cité du travail, maître livre du
grand intellectuel et syndicaliste Bruno Trentin
(1926-2007).
L'influence hégémonique exercée par le taylorisme,
puis le fordisme - c'est-à-dire «l'organisation
scientifique du travail» - sur la manière
dont la gauche a conçu le progrès permet de
comprendre les impasses où elle s'enferre
aujourd'hui : sa croyance dans l'autonomie du
politique et la priorité qu'elle accorde à la conquête
du pouvoir ; son adhésion aux recettes du scientific
management et son indifférence à la question du
travail ; sa soumission aux impératifs de la gouvernabilité
; et ses pratiques néocorporatistes.
C'est donc l'identité même de la gauche politique
et syndicale que Trentin nous invite à repenser.
Publié d'abord en italien en 1997, ce livre érudit
est aussi une contribution importante à l'histoire
de notre conception du travail.